Commentaire de René Lew
19 novembre
2002
Écriture ou signifiance, l’inconscient est tributaire du
trou
qui articule les lettres en écrits, les signifiants en réseaux
qui jouent (écrits et réseaux) de significations. Mais quelle
place a la lettre vis-à-vis du texte et le signifiant
vis-à-vis du savoir textuel ?
Quels sont les rapports de l’inconscient avec le
langage, verbal et écrit ? Lacan, dans son aphorisme classique
: « L’inconscient est structuré comme un langage » se contente
d’indiquer la direction à suivre. À l’occasion il commence son
commentaire du « comme », mais pas plus. C’est dire qu’il
reste du pain sur la planche (en français : du travail à
faire) pour spécifier le(s) rapport(s) que pointe le « comme
». Serait-ce un « comme si », comme Freud en utilise le
concept ?
Avant même d’entrer dans le texte de Huo Datong, je
préciserai ma position — c’est donc à la fois ma position et
le texte de Huo Datong que je commenterai, passant de l’un à
l’autre.
L’inconscient avait-il une consistance propre, une
autre constance que celle du langage ? Je soutiens que
l’inconscient n’existe pas plus que le sujet (barré),
l’Autre
(barré), l’objet a, etc. C’est un concept cherchant à saisir
l’insaisissable d’une fonction. Plus exactement, aujourd’hui
je tiens que l’inconscient est la transcription de la
fonctionnalité en des termes qui en donnent, comme on peut
dire, la valeur, précisément en des termes réels qui sont les
objets, ou imaginaires : les images ou symboliques : les mots
(pour en parler banalement).
Pour ma part j’aurais tendance à soutenir que
l’inconscient est langage — bien que ce soit en un sens
particulier, qui amène probablement Lacan à dire "comme". En
effet, quelle autre consistance aurait-il ? Plus exactement,
l’inconscient est fonctionnel et, bien plus, fonction à la
puissance 2 : il est implication d’une fonction dans une autre
(voire elle-même : fonction quadratique) — je dirais : produit
d’une fonction par une autre (ou par elle-même).
Je considère que la fonction de base est la représentance (Repräsentanz)
de Freud,
laquelle opère sur elle-même :
(1)
en tant que Vertretung (synonyme de Repräsentanz) pour
produire son parcours
de valeurs, lequel la constitue en objet ; ainsi la fonction
(phallique) produit-elle l’objet (a) en
tant que signification (Bedeutung) du phallus ;
(2)
en tant que suppositio dont procède la significantisation qui
constitue
le signifiant
proprement dit ;
(3)
en tant que repraesentatio qui induit l’image spéculaire dont
se soutient le sujet.
La
fonction phallique a donc pour le point trois devenirs (dans
un schéma
tétrapodique) :
(1)
en tant qu’unaire (Un), elle implique le(s)a ;
(2)
en tant que signifiance S1, elle implique le(s) S2 ;
(3)
en tant qu’absence de garantie de l’Autre (S(A/ )), elle
implique l’image (i(a)) que
l’Autre vise à faire admettre comme la sienne au sujet.
Ces trois éléments sont des valeurs (respectivement
réelle, symbolique, imaginaire)
de la fonction, soit les appareils ou les montages qui en
permettent l’appréhension quand
elle-même est insaisissable. Ce sont ces extensions qui
constituent la saisie de ce qu’elle
est en intension, quand elle est comme telle inaccessible.
J’inscris le langage au niveau de
l’extension symbolique (mots, syntaxe, propositions,
signifiants), la langue comme
« maternelle » au niveau de l’extension réelle (objets,
lettres…), le discours, avec son côté
tangible, au niveau de l’extension imaginaire. Je situe
lalangue, dont Lacan fait un concept
modulable, au niveau de l’intension.
J’appelle ainsi «
inconscient » la structure productrice de l’intension
fonctionnelle dans son lien aux extensions